dimanche 13 avril 2014

Roman

[m.a.j. 13 Avril 2014]  Anachroniques, quelques pages sans queue ni tête d'un improbable roman. Compilation de mon ancien blog thérapeutique. "Toute ressemblance avec des personnes ayant existé est malgré tout fatale" ©Bettina.

Elle était souvent vêtue de rouge. Elle changeait rarement de tenue et cela lui donnait l'air familier des photos qui ornent parfois les intérieurs avec leurs inusables vêtements. Une jolie femme qui ne se cachait pas d'être rouge, d'autant plus extravertie que son âme souffrait à l'intérieur. Ses éclats de rire traversaient le bar quand un courtisan lui glissait dans l'oreille des mots insupportables. Il faut savoir plaire pour être aimée.
Je la voyais souvent après mon dernier jour de travail à la ville, en compagnie d'un ami parqué énergiquement dans la catégorie des amis afin de ne pas se retrouver seule au monde quand les amants sont usés. Je suis donc devenu un autre ami, Elle m'appelait l'Homme du Vendredi, nous avions des discussions passionnantes sur le sexe.
La boulimie et l'anorexique sont deux manifestations de la même fascination : quand la satisfaction n'existe pas, faut-il s'obstiner à se remplir, ou se réfugier dans la privation. Nous arrivions à discuter de la chose avec bonheur, sans que jamais une parole blessante ne soit jetée.
Avec le temps j'ai senti des signes de lassitude et d'abandon de notre part, chacun offrant le flan à l'autre au delà de la discussion pour se laisser toucher. Le doute s'est emparé de nos convictions abruptes, et nous a laissé muets quelques fois, à nous regarder dans les yeux. Je l'aimais sans le dire, tellement convaincu que rompre l'Omerta serait la fin du monde, et encore sous le choc d'une amitié sacrifié sur l'autel de l'Amour.
Elle était vêtue de rouge ce jour là, quand je l'ai aimé. Ce Vendredi était aussi la fête de la musique, le jour de permission. Un jour de réjouissance obligatoire n'est pas de bon augure pour l'Amour, c'est presque aussi gerbant que le devoir conjugal. J'ai appris par l'ami qu'un travail de remplacement qui lui était échu ce soir là. J'avais fait mon deuil de notre rendez-vous habituel et j'errais dans la ville, seul.
Je décide de passer le Pont de Fil pour fuir l'armada des hordes festives subventionnées. Ce pont piéton permet de passer au nord de la Loire à pied ou en vélo, c'est un refuge sans voiture, au dessus de l'eau de vie. Je m'engage sur le pont et je regarde les gens que je croise de loin en loin quand soudain je vois du rouge. Un petit point rouge qui oscille et semble emporter avec lui un nuage de points de couleurs ternes. Je me laisse bercer par ce mouvement, parce qu'il est harmonieux comme aucun autre et qu'il est rouge.
Le rouge est au centre comme un cœur qui bat, et les autres gravitent gaiement tout
autour, retenus par une force élastique invisible. L'assemblage vivant se rapproche, et peu avant que l'on se croise, je la reconnais enfin comme si je n'espérais plus la voir. Soudain je me souviens qu'Elle travaille ce soir là, elle accompagne un groupe de gaillards handicapés. Ils sont armés d'instruments de musique et de sourires. Pour eux, c'est une véritable fête car ils ont cette liberté intérieure qui manque aux personnes conditionnées par l'éducation. Cette vérité me touche plus que toutes les démonstrations de joie programmée ce jour là. On s'est embrassé et chacun a continué son chemin, mais mon cœur est resté avec Elle.
On a continué à se voir tous les Vendredi soir, elle racontait ses déboires avec les mecs et je pleurais intérieurement pendant que les autres se gaussaient. Six mois plus tard, le premier jour de l'année, je lui ai envoyé "je t'aime" par la messagerie téléphonique. Elle a fait mine de ne pas le comprendre, m'a-t-elle confié plus tard. Je lui ai ensuite écrit une lettre, avec la main et le cœur, que j'ai glissé dans un objet que je devais lui donner car je n'avais pas son adresse.
Une autre amie dans le cercle a été gravement malade et a décidé de faire confiance à la médecine. Cela nous a rapproché. Je venais presque tous les jours pour accompagner la mort sur ordonnance de celle qui n'est plus. La vie a retrouvé son prix, on a pu rester l'un près de l'autre sans parler, sans cette hémorragie de mots qui d'ordinaire nous offrait le prétexte d'être ensemble.
Lors de l’anniversaire de l'ami, qui était aussi l'amande jumelle de la sacrifiée à l'hôpital, nous avons organisé un repas dans l'appartement abandonné, avec la bénédiction de la malade qui toute sa vie a tout donné. J'étais seul avec la Femme en Rouge, réjouis par la complicité de faire du bien à qui n'attend plus rien.
Ce soir là, il y avait son homme du moment, qui est parti dans un accès de colère. Tout le monde est parti subitement, et nous nous sommes retrouvés tous les deux. Elle a pleuré, je l'ai prise dans mes bras. Nous sommes allé nous coucher. Elle a évoqué mon premier "je t'aime" excusable par l'alcool du premier jour de l'année, et ma lettre, sans faire davantage de commentaires. J'ai posé une main sur le sein qu'elle m'offrait et je l'ai regardé dormir, en la caressant doucement pour ne pas la réveiller.
La semaine suivante, nous avons passé la soirée chez l'ami fatigué attendant la mort de sa moitié transférée dans un service de soins palliatifs. Ce fut le seul service où nous avons trouvé un médecin humain, le seul qui n'avait rien à vendre.
Tout le monde a confessé ses souffrances, Elle plus que tout les autres, et je l'ai encore prise dans mes bras pour lui faire sentir qu'elle n'était pas seule au monde avec sa souffrance. En sortant de chez l'ami, je l'ai tenue par la taille, et nous sommes retourné dans l'appartement abandonné par la grande malade. Nous avons à nouveau partagé une nuit douce, j'ai posé ma main sur son ventre qui venait de porter la vie mais qu'un Prince ne voulait pas.
Je n'ai joué aucun autre rôle, j'ai épongé son chagrin, sans rien demander d'autre que le joie d'être près d'elle, et de lui donner de la tendresse. Je me suis fait tout petit, j'ai cherché ses mains apeurées, j'ai caressé son dos en dégrafant au passage son soutien-gorge, et je l'ai enveloppé pour que son sommeil soit plus doux. Le lendemain midi elle avait rendez-vous à l’hôpital pour suivre son avortement, seule car les princes n'ont que le courage de foutre. Et moi je n'ai pas proposé de l'accompagner. Nous sommes restés dans le lit, elle semblait paralysée, incapable de se lever, je lui ai massé un peu le dos, la seule partie de son corps que je pouvais toucher, je l'ai cajolée, chahutée un peu pour lui donner un peu de cette énergie vitale dont il lui reste si peu car elle la gâche à nier la réalité de ses blessures : l'Amour qu'elle n'a jamais reçu de ses parents, et qui lui fait confondre la maltraitance avec l'amour.
La mort nous a mis dans les bras l'un de l'autre, mais Elle a décidé de faire le deuil avec ses anciens démons. L'intimité que nous avons partagé a disparu, j'ai été maltraité, méprisé comme tous des hommes qu'elle croit aimer, et je me suis éloigné pour me protéger. J'ai déversé sans ménagement tous les mots que j'avais mis de côté pour elle, comme il est d'usage avec les personnes chéries qui vont nous quitter trop rapidement. Je lui ai donné le lien ce ce blog, car je ne lui ai jamais rien caché.

J'ai aimé la mort qui m'offrait ce cadeau, avec un relent de mauvaise conscience que je croyais guéri. Maintenant, il faut faire le deuil de l'amie, de l'Homme du Vendredi et de la Femme en Rouge.

Recevoir sans se sentir redevable.
Donner sans attendre la récompense.

C'est un petit bout de femme. Elle se sent vieille car à 30 ans il ne s'est toujours "rien" passé dans sa vie. Rien qui donne envie d'arrêter la course folle des projets d'avenir, celle qui donne l'impression qu'on nous a remonté le ressort à bloc le jour de notre naissance, qui laisse sur place les bolides remontés un cran plus loin et dont le ressort a cassé.
J'aime la regarder, je peux d'autant plus le faire que je suis devenu transparent. Nous avons pourtant discuté quelques fois, de vrais sujets comme les peurs enfouies, et même de couple avec une des ses copines qu'elle consolait d'un plaquage. La copine massacrait en parole un sale type qui a vécu a ses crochets ses années de chômage en baisant ses copines pendant qu'elle bossait, et qui s'est barré dès qu'il a retrouvé du boulot. Malgré tout la copine pleurait, son sacrifice inutile.
Elle avait lancé "Les mecs sont tous les mêmes", me rappelant le souvenir le la dernière femme que j'ai aimé, j'avais bandé et déserté la conversation préférant surfer sur des souvenirs. Je me demandais si elle aussi faisait l'amour par amour, sans éprouver de réelle satisfaction, simplement parce que ça fait partie du package. Il faut payer l'amour avec son corps.
Je suis revenu dans la conversation quand son genou a touché le mien, par un hasard de son activité débordante. Il était couvert de bleus, je l'ai regardé avec une ostentation innocente au point qu'elle m'a fait remarquer qu'elle était toujours comme ça. Multicolore, elle se cogne partout comme un fauve en cage, mais elle ne sent rien. Elle ne sent rien et ne se souvient pas où elle s'est fait mal. Elle parle des hommes, ou de ses bleus, je ne sais plus.
La première fois que j'ai vraiment parlé avec elle, c'était il y a plusieurs années - on se parle deux fois par an même si on se croise quasiment chaque semaine. Je l'avais écouté sur l'économie sociale et solidaire, à la terrasse. Elle était passionnée, généreuse, présente autant qu'elle peut sembler fuyante maintenant. J'habitais encore sur Paris, et je lui avais offert un briquet kitch avec une tour Eiffel incrustée de verroterie façon diamants que j'avais ramassé par terre dans le parc du château de Versailles. Car elle fume aussi, pour se donner une épaisseur dont elle n'a pas besoin, mais tellement convaincue qu'il lui manque quelque chose.
Elle a tous les attributs de la femme libérée, elle parle avec les mecs au comptoir, avec qui elle veut, elle est parfois maquée mais discrètement, un petit bisou sur la bouche, pas de câlin, on ne se touche pas, ça ne sert à rien. Une petite fille sage qui pourtant dit parfois des gros mots. Mais elle ne parle jamais de son plaisir, elle parle du monde, comme un vrai mec.
A cent à l'heure souvent, pressée ou plutôt spide, un petit courant d'air qu'on aimerait attraper mais qui n'a pas besoin de ça, qui aurait juste besoin de trouver la porte qui mène à l'extérieur, aux vents, aux ciels. Je l'ai branché sur Alice Miller l'été dernier, j'ai envie de l'aider à ouvrir ses portes, je ne vais pas lui crocheter la serrure comme le feraient les autres. Mais on ne s'est pas reparlé depuis, juste croisé.
Le temps de vivre est si précieux qu'on oublie de le prendre, comme une femme qu'on aimerait trop. Il y a ceux qui courent après le temps, et ceux qui préfèrent sortir du temps, le laisser couler comme un sang trop riche qui ne demande qu'à saigner, devenir spectateur comme la caméra subjective que plus personne ne remarque sur un tournage rempli de victimes de TV réalité. Je reste là comme un môme trop grand dans un manège, je ne cherche plus la queue de Mickey, ce pédophile malsain qui nous a essoufflé toute l'enfance. Je la regarde.

La belle ou la bête m'avait donné rendez-vous depuis ce blog. J'arrive frais comme un gardon, fier comme un coq malgré mon côté ours mal léché. J'étais devenu chèvre pour cette caille aux yeux de biche (j'ai vu son œil droit sur fesse bouc).  Malheureusement, pas un chat ! Je fais le pied de grue en me demandant si cette bécasse ne m'a pas posé un lapin. On est virtuellement copain comme cochon, cette poule a du chien et je parie que c'est une vraie panthère. Je vais lui chanter "I wanna be your dog", je serai son crapaud mord d'amour à cette dinde. Toujours personne, elle me traite comme un chien, je commence à gueuler comme un putois intérieurement mais enfin elle arrive. Dix minutes de retard, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Mais je réalise que je me suis jeté dans la gueule du loup. La fameuse souris est plate comme une limande, myope comme une taupe, elle souffle comme un phoque et rit comme une baleine. Je reste muet comme une carpe. Elle me prend pour un blaireau et essaie de me tirer les vers du nez, mais je noie le poisson, j'invente une fièvre de cheval sûrement très contagieuse et je file comme un lièvre. Avec les belettes je suis doux comme un agneau mais faut pas me prendre pour un pigeon !

Cette nuit j'étais malade. Par ses paroles et par ses mains elle m'a guéri.

Dans le métro. Les corps sont rangés debout quand il n'y a pas la place pour les entasser autrement autour des moins vaillants assis par l'âge le handicap ou la gravité. Ils ne se touchent pas, même pas avec les yeux. Les oreilles sont scellées par des casques hermétiques et les yeux rivés sur le portable dans l'espoir fou d'un message pendant que d'autres repliés sur eux-même s'injectent le "20 minutes" prostrés sur un strapontin en skaï. Les mains évitent les poignées de peur des contaminations microbiennes, les poumons se remplissent au minimum de cet air déjà pété trois fois et portant des raclures de gorges auxquelles on a copieusement inoculé la tuberculose et le H1N1 sous prétexte de les vacciner. Cela ne protège de rien mais installe progressivement la déficience immunitaire indispensable à l'économie moderne : SIDA, diabète, SEP, leucémie, etc autant de maladies que n'aura jamais un ministre de la République.
Cette femme rentrée à la station Gaîté a perdu la sienne, les lèvres enflées et le visage tuméfié sous le maquillage. Ses yeux expriment toute la misère du monde malgré son jeune âge. Ma voisine fait moins peur et j'ai pu croiser son regard, je lui fais remarquer que la moitié des affiches publicitaire du métro concerne la médecine : depuis "Jérémy autiste et diplômé" grâce à la recherche jusqu'au "sidaction" en passant par les vaccins contre la famine et les petits myopathes tellement suppliants. En complément de l'arsenal de mort sur ordonnance, une charité agressive demande des sous pour inventer de nouveaux progrès.
A Paris on ne voit que des blouses blanches et des seringues, on donne la mort proprement, et on doit payer pour ça. Dans d'autres capitales la dépopulation est gérée à la kalachnikov bien visible dans toutes les mains, et les gens payent aussi pour en avoir. Partout on paie pour vivre, et on paie pour mourir. On reste esclave de la matrice qui nous a coupé les ailes à la naissance, aucun animal sauvage ne supporterait la sauvagerie humaine, la cage ouverte il s'enfuirait. La femme descend tandis que les autres restent concentrés comme des boxeurs avant le match, ils rassemblent leurs forces pour l'assaut ultime d'une survie quotidienne. A chaque arrêt les corps s'animent de mouvements stochastiques, les combattants de l'inutile se hâtent vers leur destin factice. Je ne fais plus que passer dans cette capitale des gladiateurs, j'ai choisi de ne plus avoir de destin et vivre au présent.

Hier je mangeais seul, dans un restaurant où j'étais le seul client. Un peu avant huit heures, je dégustais déjà une coupe de Vouvray pétillant au comptoir, pour tenir compagnie au taulier solitaire. Une jeune femme rentre dans le restaurant, elle est placée sur une table de 4, loin de nous. Elle regarde la carte, et demande à quoi ressemble un couscous. Elle ne parle presque pas Français, et je dois traduire. Elle prend aussi un pichet de rouge. On discute le temps pour le couscous d'arriver. Elle est originaire de Nouvelle Zélande, et travaille dans une agence de marketing à Londres. On parle business, et je lui souhaite bon appétit quand son plat arrive. Je fais de même, avec un tajine aubergine. Elle mange lentement. Nos regards se croisent à chaque fois vêtus de sourires, au point que je n'ose plus la regarder. Je suis resté à la place que j'avais élue avant son arrivée, trois tables plus loin. Elle demande une orange à la cannelle - ce que je prends très souvent - et bien sûr je demande la même chose. Elle le remarque, et nos regards se croisent encore. Entre temps 2 tables se sont remplies, et je n'ai plus envie de lui parler à distance. Je fais quelque pas, et je lui demande "may I have a seat here ?". Elle me répond avec le même sourire qui donne envie de mourir sur place. Je déménage mon pichet de rouge, et les oranges à la cannelle arrivent déjà. Nous sommes sortis à 11 heures et demi, longtemps après que tous les autres fussent partis. Dehors il faisait beau.

La chavirer j'aimerai bien, avec des mots même sans les mains.
Pourquoi le taire quand je le rêve ? chaque jour sans aucune trêve.
Elle que j'aime et qui le sait, peut bien partir car j'attendrai,
jusqu'à demain cet autre autre jour, un signe une ombre ou un détour.
Pourvu que point elle ne se lasse, avant que bêtement je trépasse.
Elle peut tout dire ou ne rien dire, je ne pourrai qu'aimer ou pâtir.
Elle peut tout faire ou ne rien faire, je ne croiserai pas le fer.
Telle est ma loi : ne pas blesser, pour ne jamais entendre "assez"
Mais au contraire le mot "encore"
Pour chaque fois faire l'amour, sans oublier les mots d'amour.
Que si je meure elle n'ait pas peur, et qu'il lui reste au fond du cœur
La vie entière pour aimer.

Regarder pour voir, écouter pour entendre, tendre la main pour recevoir, accueillir pour jouir. La disposition d'esprit est nécessaire, personne ne peut le faire à ta place.

La solitude ici dans mon village de quelques centaines d'âmes est bien plus supportable que dans mon ancienne banlieue parisienne. Tout le monde se salue dans la rue, sur le pas de la porte ou à la boulangerie. Je discute avec la coiffeuse quand elle n'a personne, je papote jardinage avec mon voisin ou mon autre voisine plus expérimentés. Je répare un ampli pour quelques maisons plus loin, et je bois des coups au troquet. J'ai perdu la présence factice des femmes des bistrots de la ville. Je sais bien que c'est une illusion car elles sont très rarement seules comme je le suis même si elles affichent une relative liberté. Elles sortent souvent entre copines pour parler de leurs problèmes de couple les soirs de match de foot. Je n'aime pas le foot qui pourtant permet aux femmes tristes d'exister un peu. Quant à la femme qui sort seule, elle est un bijou rarissime dans notre société de troupeaux, j'en rencontrais une fois par an quand je sortais un peu.
J'ai senti une présence à la Foire aux fromages à Sainte-Maure de Touraine, bien autant que dans les troquets de Paris. De la présence factice des jolies filles déjà sous contrat à la présence réelle et discrète de femmes qui assument de vivre seules. J'ai aussi vu de très jolies fleurs un peu sauvages, habillées d'une robe fine et chatoyante, marchant pied nu avec un gros chien placide et un homme maigre et décomplexé par l'alcool et la fumette. L'une d'elle parlait d'une copine qui faisait des choses avec un homme dans le camion, un autre lançait que ça rapportait des euros et qu'il devrait faire pareil avec la sienne qui ne semblait pas trop aimer la plaisanterie. C'était des conneries, on dit des conneries quand on est bourré.
J'ai aussi trouvé à cette fête du fromage une présence qui n'avait rien de factice, des visages familiers même si on ne les connaît pas intimement. J'ai revu la conductrice qui met « La rue Kétanou » http://www.larueketanou.com/ dans ce bus qui relie Tours à Sainte Maure, cette amazone qui fulmine en conduisant avec ses yeux revolver et qui fait craindre pour la vie des chauffards que le coup parte pour de vrai, celle à qui j'ai offert « Voyages en Rond », le petit bébé rose de Désirée que j'avais pris le soin d'acheter en double. Elle était à la terrasse d'un café en compagnie d'une autre femme dont je suppose que le sujet de discussion n'était pas les hommes. J'ai croisé son regard sans y lire d'invitation, peut-être ne m'a-t-elle pas reconnu. J'étais habillé avec un maillot blanc réalisé sur mesure et pas cher dans la petite boutique de la rue Colbert et qui portait les lettres roses « On peut rire de tout mais ... » sous entendu « pas avec tout le monde » ©Desproges, et un short clair, déguisement qui n'est pas de mise pour aller bosser avec ce putain de bus qu'elle conduit.
J'ai aussi croisé de nombreuses fois le chemin et le regard de cette petite maman que j'avais rencontré seule avec ses enfants au parc du lac. On avait discuté assez longtemps. Elle était seule aussi, elle me regarde avec le sourire quand on se croise. Je n'ai pas engagé la conversation car elle habite sur place et était assez souvent interpellée. Mais je la saluerai sans manières la prochaine fois au parc.
J'ai aussi échangé quelques mots avec des jeunes de mon bled, et un moins jeune. Je me suis assis sur une devanture de magasin de tissus pour travailler sur mes nouvelles sandales vendéennes achetées la veille qui me font mal aux pieds. La vendeuse de tissus est venue m'aider et après le problème réglé on a papoté un bon moment, de godasses et du reste. J'ai du même coup rencontré les personnes qui passaient la voir.
Pourtant je n'étais pas très motivé pour retourner à la fête de Sainte Maure ce matin. J'y étais allé hier, et je n'avais pas eu ma dose escomptée d'humanité. Je cherchais en vain une motivation dans le programme quand je vis une projection de documentaire à 11H15 à la salle Patrice Leconte. J'aime bien cette salle, j'y étais allé voir « Bonobos » que j'avais adoré, et j'étais la seule personne à venir le voir. La projection privée avait été encouragé par les 3 personnes de l'organisation alors que je me proposais de leur donner quartier libre afin de ne pas les déranger. Ils n'ont pas un fanatique de l'épuration salariale comme Thierry Breton comme patron, mais je suppose qu'une projection même privée est préférable car la projection des films intègre un compteur pour la gestion des droits de diffusion, et cela a probablement un impact sur la pérennité de ce cinéma de proximité. Je donc décide aussitôt de retourner dans cette salle pour y voir « treize siècle de l'histoire d'un fromage », un documentaire historique réalisé pour l'occasion. La salle ne compte qu'une dizaine de personne à l'heure dite, car une charretée de « commandeurs du fromage de bique » est attendue en arrivage direct de l'Eglise, le maire fait l'animation. Parmi les dix personnes de la salle, je la remarque tout de suite, elle est assise à une place très proche de la porte, elle pose ses yeux comme des papillons, des papillons éphémères sans une seconde à perdre de la journée, et elle ronge ses ongles. La rangée de siège qu'elle occupe est vide, mais je ne veux pas la déranger, je fais le tour de la salle, et je remonte son rang inoccupé. Elle regarde devant elle l'écran muet avec d'autant plus de ferveur que je me rapproche, comme une proie qui se fige de peur d'être vue, et elle ronge ses ongles de plus belle. Elle lance une œillade quand elle me sent assez proche, ses grands yeux marrons ne semblent pas se brûler dans les miens, et cela me donne la témérité de m'approcher d'elle à quelques sièges, au moins trois. Je la regarde comme elle fait, en posant mes yeux comme des papillons ou presque, comme des chrysalides, c'est presque pareil faites pas chier. Elle est habillée simplement avec un pantalon et un petit maillot multicolore qui montre la courbe de ses petits seins nus, sans présentoirs de haute technologie destinés à mettre en valeur le capital dans la vitrine. Elle a les cheveux mi-longs et attachés, noirs avec quelques cheveux blancs. Sans teinture ni maquillage, une femme comme je les aime. Ses bras fin se replient parfois rapidement comme les pattes de la mante religieuse mais elle ne dévore que ses ongles, une compulsion charmante dont j'aimerai bien la débarrasser. Le temps passe et pour rompre le silence la réalisatrice du documentaire commence à parler, à nous parler, car nous sommes les deux personnes les plus proches et que les quelques autres se sont dispersés dans toute la salle. Hélas il est impossible de communiquer, la réalisatrice est une professionnelle de la parole, elle s'écoute, maîtrise les ralentissements quand elle cherche les enchaînements ou les mots, elle module son flux de parole afin de ne jamais laisser de temps mort. Tant pis pour la causette qui s'annonçait. Les commandeurs du fromage arrivent, accoutrés dans des tenues loufoques genre franc-maçon avec un flambeau factice en inox qui est peut-être plutôt un moule à fromage, la séance démarre, le son craque, on a presque mal aux oreilles. Le réalisateur – ils sont deux – se décide à remonter à la sono, il baisse le son au point de couper, et ça sature toujours, et reste planté là comme si dieu l'avait voulu. Je quitte ma place, en passant sur les genoux de mon idole pour aller sauver la situation, et dire gentiment que ça sature en amont de la sono. Bien mal m'en a pris, il me certifie que tout est bon pour lui, probablement un haut parleur à changer, pendant que le son affaibli continue pourtant de craquer de manière très désagréable. On a subit ça pendant plus de trente minutes, et surtout j'ai perdu ma place de rêve. En sortant je la suis des yeux mais je suis empêtré dans les commandeurs qui avancent à une allure de sénateur du fromage. Je déambule, et peu après je la croise dans une rue voisine, elle marche vite avec aux pieds des chaussures de sport, dans l'autre sens, mais nos regards se croisent plus longuement, on échange un sourire mais elle semble sur des rails. Arrivé en haut de la rue, je décide de la parcourir dans l'autre sens, c'est le plus logique pour retomber dessus. On se croise à nouveau, dans les mêmes conditions, avec le même échange. Cela ne dure pas longtemps mais c'est bien. J'ai fini par la retrouver sur un petit stand de produits fermier de cette rue, en compagnie d'un grand gars costaud, affairée entre le stand et la logistique, j'ai compris pourquoi elle marchait aussi vite, en deux jours il faut amortir le voyage, le stand, et payer un peu sa peine. Je continue la journée à déambuler avec un groupe de rue très sympa Labanajul http://www.myspace.com/labandajul. J'achète un peu de pomerol, de la tomme de brebis basque, et du saucisson aussi car le mec est sympa et le produit bon. Le soir quand tout le monde sera parti il sera encore là, avec son étal plein, cela me fait de la peine. Dans la journée, j'ai encore croisé 4 ou 5 fois ma petite fée, sans m'arrêter à son étal où elle était rarement avec à chaque fois la même expérience agréable, l'envie de se regarder quand on se croise. Je lui rappelle peut-être une personne, elle me rappelle aussi quelqu'un de cher et qui me manque, peut-être que cela suffit à la petite magie des yeux. En fin de journée, j'avais décidé de passer lui acheter quelque chose, en particulier des savons au lait de chèvre, pourquoi pas, et ne me racontez pas que c'est de la couille. Le lait de jument c'est peut-être snob, mais le lait de chèvre s'est pas pareil, c'est spécial. Quand j'arrive sur le stand, elle n'est plus là, je temporise le temps d'un dernier verre, et je repasse, toujours pas de petite fée, alors je me décide à m'adresser au grand gars costaud qui me fait l'article. J'ai pris mon temps pour acheter les savons, et aussi quelques crottins, mais je n'ai pas su grand-chose de plus. Il est dans l'Alliers, sa remorque est immatriculée dans le 03, et il m'a dit un nom de ville que j'ignore et que je n'ai donc pas retenu. Quand je suis repassé plus tard, il remballait seul, peut-être n'était-elle là que pour aider la journée, peut-être que son visage m'est familier car je l'ai déjà croisé dans la région. Je n'ai pas de ticket, ni d'adresse sur l'emballage, je ne saurais donc jamais qui était cette petite fée qui m'a souri et qui ronge ses ongles. Mais c'était chèvrement bien.

3:40 j'appelle Cees le taulier car je me suis trompé de porte. Les trappistes sont vraiment plus fortes que les pils, et la stabulation au Gollem Café a duré plus longtemps que prévu à cause de Inge, une espèce d'ange aux cheveux d'or, le standard là bas. Elle était belle et déjà courtisée par des prétendants tourbillonnants. Je n'ai jamais compris les hommes qui se débattent ainsi comme des spermatozoïdes autour d'un ovule. J'étais dans mon coin un coude sur le zinc, habillé comme un cake - chaussures blanches, pantalon blanc, chemise à fleur rose, barbe d'une semaine. Peut-être a-t-elle aimé le déguisement de travail que j'avais choisi pour ce salon professionnel prétexte à mon évasion. Je voulais me démarquer des costards, des queues de cheval et des crânes rasés, je ne michetonne pas les mêmes clients. Dans le même esprit, je fuis les hôtels où s'entassent les 47 000 visiteurs - selon les organisateurs - pour dormir chez l'habitant, dans une chambre d'enfant avec quelques livres qui ne s'usent plus. Je ne sais plus comment la conversation est arrivé aux attentats indissociables de la guerre sainte contre le terrorisme. Inge semblait me croire quand je lui expliquais la résistance des matériaux, le béton champion de la compression, et le ferraillage utile en traction, et non pour porter ces 800 000 tonnes de béton. Comment les "experts" peuvent-il prétendre que c'est la ferraille qui porte le béton ? Les tours seraient selon eux portées par le métal (celui qui a fondu avec un simple feu d'essence). Mais si la ferraille porte tout, alors pourquoi est-on assez con pour la charger avec du béton ? Il y a moins lourd non ? En vérité c'est le béton qui porte, et même chaud il ne s'écroule pas comme cela, rappelez vous le réacteur de Tchernobyl. L'évidence de la démolition contrôlé seule capable de produire ce résultat de qualité cinématographique pénétrait dans son esprit avec la même fluidité que la Carolus dans le mien. J'étais bien de la remplir comme ça de bonnes choses, comme le danseur qui selon Desproges n'a pas toujours conscience que sa fougue verticale n'est que l'expression d'une frustration horizontale. J'en ai conscience, et j'en jouis aussi. A deux heures ils ont du fermer la lourde, et j'ai senti la fatigue faire concurrence au houblon. Après trois heures j'ai plié les gaules, les deux dernières, laissant la dépouille d'Inge aux corbeaux toujours présents et armés d'une patience animale. Je m'excuse près de la porte maudite qui s'ouvre enfin de l'intérieur : "Cees, I am so sorry to wake you up at this time, shame on me" et il me console "But you know beer is strong here in Amsterdam". Il y a deux portes semblables avec des serrures compatibles, et j'ai confondu la gauche et la droite, Inge m'avait retourné la tête autant que la bière.
Le salon IBC est une ruche hybride peuplé d'abeilles et de frelons chinois qui vrombissent avec des appareils photos. Certains exposants peu nombreux créent de la valeur, et côtoient une majorité de blanchisseurs d'argent grouillottant pour sauver leur peau. Champions du slideware, les bigs players arrosés d'argent occulte sont prisés des financiers qui aiment se cacher derrière les écrans de fumée de la high-tech. Cerise sur le gâteau, les médias c'est aussi utile pour la propagande, et c'est plus hype que les tracteurs. Sur les stands il y a une débauche de filles énervantes qui font leur gym en tenue de combat devant des caméras HD qui cadrent tellement serré qu'on voit la salive sur leur lèvres. Emotion pour nous autres, bande de frustrés, devant ces belles paires de technologies.
La ville est toujours aussi agréable, peuplée de bicyclettes montées par des petits culs fermes - je ne suis pas sexiste, les mecs aussi n'ont pas la fesse molle ou plate là haut. Les maisons sont ouvertes quand il fait beau, les gens fument ou boivent sur le pas de la porte, une cigarette, de la ganja, de la bière ou du thé. Certains plus professionnels on un banc sur le trottoir pour s'installer peinard sur la rue. Bah, oui une rue sans voiture est un véritable lieu de vie, mieux que Ikea Plaisir. On regarde les vélos, on se hèle, on se chambre gentiment, la bêtise méchante n'existe pas là bas pour des enfants nés pour un bon tiers à la maison, sans torture ni chiffre d'affaire. Mais ils ont aussi la niaque pour pédaler sous la pluie, avec le poncho ou le parapluie, pas comme ces têtes de veaux qui s'esbaudissent sur le vélo et qui sortent la BM aux premiers frimas.
La partie privée de la maison de Cees est reliée à la partie louée par une porte qui n'est jamais fermée. Les pièces au niveau de la rue sont vitrées, sans rideaux, les RG ici ne pourraient pas travailler car on voit tout chez les gens. On sent la potentialité protestante, on peut faire les choses, mais on ne le fait pas, on pourrait regarder chez les gens mais il ne faut pas le faire. Je ne suis pas protestant.
J'ai croisé quelques couples français, la jeune fille généralement mignonne et apprêtée, le mec plus vieux et qui se la joue cool. Ils viennent là pour fumer de la bonne beuh en espérant l'inhibition propice à une copulation enfin satisfaisante. Sauf pour cette belle flippée qui reste allongée sur le dos sur le banc d'avoir trop tiré dessus, la pauvresse. Que ne ferait-elle pas pour son ingrat de mec, il se moque d'elle en plus, la petite bite. Et aussi des hommes et quelques rares femmes plutôt dans le trip défonce à défaut de mieux, pour se vieillir un peu le temps d'oublier le mal de l'enfance. Des groupes d'hommes, les mêmes qu'au salon frustrés en costard ou queue de cheval, qui vont mater dans le quartier rouge comme au zoo.
Conforme à mon habitude, je me ballade seul même si je croise Andy ou Nicolas dans leurs mondes respectifs. En partant, je traîne un oeil amusé sur le Mushroom Paradise. En attendant, pour le retour, un petit space cake suffira. La boulangère me fait rigoler, elle me demande "what for ?" je lui réponds "I have 4 hours to kill in the fuckin' train to Paris" Et elle me conseille "this one is OK, good size for Paris, and I put a lot of butter in it". Une bonne tranche de cake, avec du bon beurre dedans, miam en plus quand on a faim. Putain les 5 jours sont déjà passés. J'aime ces gens qui font tourner la Terre plus vite.

Incommunicabilité, ce mot transpire l'alcool des discussions entre potes.

Un jour la nuit à Paris, j'ai rencontré Alain, un SDF originaire de Lille. En sortant du Pigalle's ou d'ailleurs, je les croise sur le Boulevard de Clichy, ils boivent du calimuchio, un mélange du vin blanc le moins cher avec le plus de volts et de coca-cola, les vrais clodos ne boivent pas de la 8.6. On discute un peu beaucoup, passionnément, je les invite à manger. Ils sont deux, dans la rue il vaut mieux être plusieurs, car les clodos se dépouillent entre eux. On cherche un Gasthaus pour faire un festin - la magie de Paris de manger presque ce qu'on veut à 4 heures du matin. Je préviens en entrant que mes potes sont dans la galère, et on nous mets dans un petit coin tranquille. Ils n'y croyaient pas : "tu rêves, on pourra jamais rentrer là dedans". C'était un restaurant assez classe il y a 10 ans, je ne sais pas si c'est encore possible aujourd'hui. Ils prennent des côtes de bœuf, leur mythe. On sort repus, au petit matin, on échange nos adresses ... enfin son pied à terre à Lille, où on l'aime beaucoup, mais où il ne va jamais. On s'est embrassé comme si on savait qu'on se se reverrait jamais. Je suis revenu sur les lieux, j'y étais abonné, mais ils n'étaient plus là.

Je me suis rendu à la mairie du onzième arrondissement pour rencontrer Coumarine. Les dieux étaient contre nous et ils avaient à dessein coupé la ligne de chemin de fer entre Paris et Versailles pour les deux jours. On me propose de faire escale à Saint Cloud, La Défense et Châtelet avant de conclure par les lignes 4 et 9 du métro. En mauvais citoyen excédé, j'ai pris la voiture en ce beau jour d'octobre jaune. A mesure que je me rapprochais de Paris, le bleu du ciel devint gris et l'air irrespirable. Une manifestation m'obligea a quitter les quais, j'ai donc suivi la voix du peuple et pris la Bastille ce symbole impromptu avant d'emmancher la rue de la Roquette. Cela me rappelle des souvenirs, comme à chaque fois (feu l’Archipel, rue Basfroi). Pourtant j'avais l'impression que les gens y étaient comme déguisés, même les keupons semblaient sortir d'une loge pour la finale d'une comédie humaine bien servie. J'ai aussi vu un excentrique façon prince de la pop anglaise, il marchait majestueusement tout vêtu de noir bouffant, des bottes à la collerette. Le soleil était irradiant, et possiblement coupable de sa démarche ralentie. Il promenait au bout d'une invisible laisse courte une compagne asiatique habillée de blanc avec la même rigueur d'une femme taliban. Peut-être une religion moderne leur interdit-elle de se toucher la main. Je raille cette incarnation du Yin et du Yang mais l’homme avait une particularité étonnante probablement imposée par sa pureté vestimentaire : il n’avait pas d’écouteurs blancs dans les oreilles ! Beaucoup, même en couple gardent leurs écouteurs pour se promener main dans la main, pas d'embrouille, chacun sa merde. Certains survivants de l'amour partagent leurs écouteurs, ils écoutent la même musique, et peuvent même communiquer par l'autre oreille. Je me demande comment font ces nouveaux amoureux avec leurs fils attachés aux oreilles. J'ai pu observer à loisir de nombreux autres candidats du paraître tout le long de l'interminable rue de la Roquette car je suivais une Porsche nonchalante qui portait fièrement dans le bas du dos les lettres "carrera 4S". Elle roulait très lentement malgré ses jantes larges comme des autocuiseurs de la belle époque de Moulinex et qui laissaient augurer une puissance proportionnelle. Cette réserve semblait nous démontrer à l'instar du Christ que la force tranquille n'a pas besoin de se répandre pour impressionner les frustrés du miracle. La véritable majesté n'a pas besoin de montrer sa force, il lui suffit de l’évoquer pour pétrifier même adulte l’enfant éduqué dans la violence moderne. Cette inflation des apparences m'a laissé rêveur dans ma charrette de vingt ans sans climatisation ni GPS, sans même la radio qui me fut volée à Saint Ouen le temps de pisser. Ce suppôt de la réclame et de la propagande ne me manque pas, la pollution de l’air me suffit. Les fenêtres ouvertes par la tiédeur du dehors ont même encouragé une pensé carminative en son hommage. Frustré insensible aux beautés provocatrices de la nouvelle éducation, que fais-je ici bas ? Je viens rencontrer une femme qui écrit de belles choses sur un blog, pour la regarder, l'entendre, la toucher, vérifier qu'elle existe en vrai comme disent les enfants. Coumarine est la première personne virtuelle que je rencontre, et j'ai été enchanté. Tout le monde dit que la déception est grande de passer du virtuel au réel, ce n'est donc pas toujours vrai, comme le reste. J'ai acheté "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers" de qui vous savez, ainsi que "Don Quichotte en banlieue" de Sophie Audoubert qui participait à une conférence avec elle. Des thèmes intéressant furent abordés, comme la relativité de la vérité, les niveaux de conscience de chacun, la maïeutique, la manipulation de l'opinion, l'intentionnalité, l'effet thérapeutique de la publication du journal intime, du récit de vie, sur un blog ou dans un livre. Pour ma part, j'ai l'impression que le blog non modéré est plus fidèle à la réalité, et plus efficace pour la thérapie, par le retour des commentaires il autorise chacun à compléter. Un éditeur était présent qui ne m'a pas convaincu, il était l’adjuvant de ces deux petites femmes qui distillaient une vraie passion. Je conçois bien que le livre apporte davantage si l'auteur a tant de matière à structurer que la lecture peut durer des heures. J’ai discuté avec un jeune homme de l’éducation violente, du triste sort réservé à la naissance, annexée corps et âme par le business médical, de la torture des nouveaux-nés traités comme de la viande alors qu'ils ne sont que ressenti. Il connaissait Alice Miller de nom. J'ai aussi discuté avec des gens et vu d'autres écrivains avec qui j'aurais bien discuté avant que les organisateurs ne nous invitent à rentrer chez nous.

Elle est entrée dans ce restaurant où je vais souvent dans ma deuxième vie, comme si elle ne voulait pas déranger, elle est presque restée sur le pas de la porte. Le garçon habituellement underclocké est arrivé rapidement. Elle a demandé un menu à emporter en restant debout. Et elle est ressortie précipitamment. Mes yeux l'ont suivi comme un songe que l'on voit s'éloigner et qui ne reviendra jamais. J'ai eu peur qu'elle ne soit partie, mais elle est bientôt revenue et s'est assise assez près de moi. Elle a choisit la chaise la plus proche de la porte, et j'ai moi-même un goût pour ces places décriées. Elle se lève brusquement et vient vers moi avec une assurance surprenante après la réserve extrême qu'elle avait mise en entrant dans les lieux. Elle me demande un verre d'eau, prétextant qu'elle n'ose pas déranger le serveur alors qu'elle ne mange pas sur place. Elle est naturelle, je lui fait remarquer que les plats à emporter ne sont pas des amis de la planète. Elle sourit, et me parle d'un restaurant voisin qui utilise des assiettes en cartons plutôt que du plastique pour réduire son impact négatif sur la nature. Un moment de folie me fait lui demander pourquoi elle ne mange pas sur place, et elle me répond qu'elle n'aime pas manger seule au restaurant. Je réponds qu'elle n'est plus seule maintenant, et je lui montre maladroitement la place en face de moi. Cette invitation sincère ne la choque pas, elle se lève avec la même spontanéité que lorsqu'elle ma demandé le verre d'eau, et s'installe en face de moi. Mon coeur s'envole, moi aussi je n'aime pas manger seul, même si je lui dit le contraire pour qu'elle ne se sente pas obligée de m'accompagner, le pauvre gars. Elle s'excuse de ne pas avoir ses "appareils auditifs" qui peut-être me feront répéter. Je souris, je trouve ça extrêmement craquant, sait-elle que je voudrais déjà lui répéter ad vitam tout et n'importe quoi pour le plaisir de la regarder ?
Je parle beaucoup, de ma présence ici, de ma double vie, sans retenue, sans la peur de passer pour un mythomane. Elle écoute mes paroles, me fait confiance alors qu'elle ne me connais pas. Je reconnais ce mode de fonctionnement qui est le mien, de faire confiance a priori, de ne pas me vendre, de me donner d'emblée. Se montrer nu est une armure bien plus désarmante que la pire des carapaces. Quand ces yeux se posent dans les miens, j'ai l'impression de la tenir dans mes bras, je rêve de m'imprégner de ses formes, de son odeur. J'ai l'impression qu'elle ménage des moments de relâche pour éviter de me brûler les yeux. Elle a bien raison. Je profite de cette cécité organisée pour m'enivrer de ses cheveux, de ses mains, je me noie dans son corsage, une fenêtre timide sur l'insondable trésor qu'il renferme. Elle commence à parler de sa vocation, des enfants ayant des troubles de personnalité d'origine non médicale, purement psychique. 2/3 sont des enfants du divorce, j'accuse le coup qui n'en est pas un. Elle se situe plus du côté curatif, urgentiste, d'abord aider, et parallèlement se poser les questions sur l'origine du problème. Elle semble pragmatique, efficace, et pourtant si jeune. D'où lui vient cette confiance ? Je l'envie un peu d'être déjà si construite à son âge, j'étais une telle épave. On échange, Alice Miller contre la théorie du système. Je ne connaissais pas, la notion d'ensemble est très puissante, au niveau d'un corps avec ses interactions psychosomatiques, au niveau de la cellule familiale, de la société, cela m'inspire beaucoup. La polémique sur les systèmes qui ne sont jamais complètement fermés ne dure pas longtemps (un relent de mathématiques dont j'ai été gavé). Je parle de mes enfants, de ma famille éclatée, d'éducation, de l'attitude des parents, de l'école. Je suis un peu surpris de voir autant de réflexion dans une petite fée qui semble juste sortie de l'école.
Un vendeur de roses nous aborde, elle répond non merci avec une rapidité qui me désarme. Je lui fait remarquer que je n'ai pas eu le temps de me ridiculiser. Elle entrouvre la porte de son jardin secret, et distille un sourire pour me garder de fuir : "j'entends des voix" me confie-t-elle. Je la rassure, en disant que cela peut être lié à son problème auditif. Sa beauté, sa spontanéité, sa vivacité me feraient pardonner qu'elle fût une Jeanne D'Arc. J'ai rêvé que Sarah m'avait confié son prénom pour ancrer dans la réalité ce petit coin de paradis. Elle va commencer une thérapie pour elle même, sans relation avec sa vocation. Je lui fait remarquer sans flatterie qu'elle semble bien finie, mais elle a quelques "petites choses" à éclaircir. Je m'empresse de n'en point demander plus. Je parle de ma thérapie primale, de mes expériences avec des psy, jamais très longues, de mon bon souvenir des ateliers de Filliozat. Elle me dit que peut-être j'ai besoin d'une thérapie à Paris, mais pas içi, je suis très touché de cette remarque qui me dédouane d'une partie de mon fardeau, comme si elle me trouvait mieux quand je suis près d'elle. Je reviens sur mon parcours étudiant, je ne sais plus pourquoi, enfin si, je bande, c'est une explication valable pour ce rajeunissement illusoire mais tellement bienfaisant. Je reste sur mon nuage nantais, son regard s'allume. Elle me dit qu'elle adore Nantes, et qu'elle connait un endroit génial : La Bodega. Elle me parle du lieu, je suis sous hypnose, et je rêve que c'est à côté. Quand elle se tait, je brise le silence béat et lui demande si c'est ouvert ce soir, si elle a envie d'y aller. Elle rit, 200 km à pied, la distance aussi je l'ai oubliée. Je goutte ses sourires, je les mange, ils me taraudent les mirettes jusqu'à l'occiput laissant sur leur passage des neurones de boxeur.
Pour la première fois dans ce lieu je n'ai pas fini mon assiette. En sortant on est resté devant le restaurant à poursuivre. Là encore je rêve d'être étudiant, dans cette époque heureuse malgré la misère intérieure, où les portes des lieux nocturnes se fermaient avant la fatigue. J'ai bêtement proposé d'aller boire un verre, elle a tendu sa petite main comme un revolver, je l'ai saisie rapidement de peur qu'elle ne s'envole, et je l'ai gardé autant qu'elle m'a serré. J'avais terriblement envie de l'embrasser. Depuis, moi aussi mes sens me trompent quand je ferme les yeux.

Je l'aime et je lui ai dit. J'ai rompu le pacte de Cyrano des amoureux solitaires.

Je ne sais rien d'elle. J'aime la regarder dans sa carapace utile, avec son masque coloré, souriant, déconnant, qui peut-être est la meilleure protection pour survivre dans ce monde de collabos. Je me demande si c'est là sa vraie nature, si elle respire toujours dans cet élégant corset, même quand elle fait l'amour. Il n'est pas facile de tomber l'armure, beaucoup de personnes rencontrent la mort sans l'avoir jamais fait. Je saisis parfois des instants de doute dans ses gestes, ses respirations ses yeux qui se figent, son sourire s'estompe le temps d'un clignement d'œil. Je regarde ses mains qui expriment ce que sa bouche ne dit pas, un besoin de toucher les autres pour vérifier qu'ils sont ainsi faits, avec la même carapace, le même carcan de projets, de vie tracée, de mariage de logistiques. J'imagine aussi sous l'armure un voile fin qui habille une femme seule à l'intérieur et qui doute malgré les certitudes partagées avec les autres pour se rassurer. Tout le monde joue comme les musiciens du Titanic. Jouer plus fort, ensemble, permet de croire l'incroyable, ce qu'il faut faire, sentir, aimer, pour être normal. Cette ferveur à jouer cette musique écrite par d'autres nous élève au rang d'être humain dans la souffrance, mais une autre musique existe qui vient du cœur, une musique qui n'échange pas son corps contre un sourire, une musique qui ne joue pas pour un public, la musique de la vie.

C'est un picrate bordelais et c'est aussi le bar de Tours où je passe souvent le Vendredi soir.
Soleil en terrasse à mater les gonzesses qui passent dans la rue, poitrines gonflées, oeil fuyant, air libéré. Elles déambulent par brochette de deux ou trois, avec parfois un mec mignon qui ressemble à leur petit frère, vu l'usage c'est bien suffisant. Elles fument, elle rient fort, elles sont belles, je me demande bien pourquoi elles sont si belles.
Les mecs se déplacent en bande, bite gonflée, oeil vitreux, tête chercheuse, air viril. Il n'y a jamais de gonzesse avec. C'était la gay pride demain, mais les autres jours c'est pareil. Je me demande bien pourquoi.
Vers huit heures le soleil disparaît derrière les toits d'ardoise, je vais rôder à la guinguette des bords de Loire, c'est le premier jour, tout le monde rit dans la musique brésilienne, la mairie socialiste finance l'alcool social. Le bar associatif aux couleurs alter mondialistes vend des hectolitres de bière. Charmante échoppe en bois, charpente durable, terrain inconstructible, loyer gratuit. La bière est au même prix que dans un bar patenté, statut SARL, but lucratif. Les étudiants et les keupons picolent au bord de l'eau des packs de bière, ils profitent de la musique et de l'air de fête, à distance c'est plus crédible. Ils zonent avec deux ou trois gros cleps, c'est la règle pour pas te faire emmener par les keufs. Non parce que les keufs ça les fait chier de gérer les cleps, ils ne sont pas équipés pour, c'est salissant, ça mord, et puis il y a la SPA.
Les couples sont plus présents à la guinguette, sages. Les couples eux aussi se déplacent en bandes de couples pour se sentir moins seuls, ils n'ont déjà plus rien à se dire. Vivement la grossesse, ça fera un sujet.
Passage au Shamrock, petite Guinness pour le goût, puis Place Plumereau le Châtelet des tourangeaux comme une nostalgie, et retour au Bergerac, un grand chocolat pour la route, 40 bornes.
Depuis ce matin je jardine, il fait chaud, je transpire de la gueule, je fonds encore malgré les nombreux kilos déjà perdus, binette, cueillette, purin d'ortie, goudron de pin, bois, je prépare un beau feu de braises pour demain, un barbecue où on sera au moins 3 personnes :)

Je suivais un monsieur pas épais, le genre qui chie tout ce qu'il bouffe. Sa démarche mal assurée s'ajoutait à des mouvements compulsifs des bras et de la tête façon Tecktonik. Son âge indéfinissable ne permettait pourtant pas de le ranger dans la catégorie ados sous influence. Je suppose que c'était une sorte d'expression corporelle, voire de thérapie. J'ai lu un truc là dessus, où on expulse des tensions psychiques en se laissant aller à des mouvements naturels. Il paraît que l'on devient témoins de son propre corps qui se met à effectuer des mouvements répétitifs incontrôlables, à la suite de quoi on se sent mieux. Si vous connaissez dites moi je suis intéressé. Bref, le bonhomme dans son ensemble tenait debout et se propulsait à vive allure comme un de ces montres improbables de science fiction. Il s'est raclé la gorge bruyamment pour aller pécho au fond de la gorge un gros gladiau nourrissant. Je me suis désaxé pour ne par déraper sur la méduse, pardonnez la poésie de la banlieue où certains automatismes qui nous font passer pour des robots sont pourtant salutaires. Cependant à ma grande surprise il fait don de ce fluide visqueux à ses mains et accompagne le geste d'un grognement de contentement. Son geste n'a pourtant rien de choquant dans notre culture je l'ai vu naguère et même dans un film de Chaplin. Rien de dégoûtant donc du point de vue de l'histoire pour laquelle tout révisionnisme est devenu interdit sous peine de poursuites judiciaires. Je me disais pourtant que si le hasard m'avait amené à lui serrer la pogne quelques temps plus tard, j'eusse été dégoûté. J'ai une névrose de propreté.

Ce soir j'ai mis un caleçon bleu - fi des slips - et un pantalon blanc - fi du short d'explorateur à la bite molle - et je me suis invité au resto théatre. Il n'y a pas de concert ce soir, pas de salsa, juste des galettes.
Ambiance famille du plus mauvais goût, un anniversaire : une année de moins à souffrir.
Il y a la petite fille, ses parents et une amie, et les pires grand parents, à la table voisine de la mienne, tout le monde est dehors à la terrasse du parc. La petite fille se prend toute la famille en pleine gueule, le pire étant le grand-père, celui qui vérifie que la petite est bien servile. La mémé n'est pas de reste, elle est très fière de sa petite fille. Vraiment c'est une fille "facile" : on peut la confier à n'importe qui, elle pleure un peu au début quand maman s'en va, et après elle est bien, elle est contente, et fait tout ce qu'on lui demande. Grand-père la prend sur ses genoux, lui fait le coup de la petite bête qui monte qui monte, ça chatouille, c'est marrant, seulement pour le grand-père car la petite fille grimace et se débat pour lui échapper. Je ne me cache pas de regarder avec indignation, avec mon deuxième quart de rouge dans le tarin, l'alcool me rend brave. Je ne suis pas assez brave pour ouvrir ma gueule en direct de peur du scandale (pourtant un petit scandale vaut mieux qu'une vie de misère pour la fillette, à supposer que mon intervention n'empire pas les choses, ce que me me dis pour me rassurer de ma lâcheté), mais je devrais ! plutôt que de revenir après le drame vomir tout ici dans vos yeux, car vous n'êtes pas coupables du spectacle. Tiens, la petite bête va revenir, apprends bien. Non parce que la première fois tu n'as pas pris assez de plaisir, tu as presque fait la grimace, petite capricieuse qui ne sais pas apprécier les plaisirs de grand-père. Allez, une troisième fois, avec le sourire grand-père est tellement heureux. Le métier de femme, il faut que ça rentre.
Il faut souffrir pour être belle, et toutes sortes de choses. Et puis le centre aéré, cela va lui faire du bien, pour bien comprendre qu'elle n'est pas toute seule, que les autres aussi existent. Non parce que les enfants rois, ça va bien 5 minutes, mais après c'est plus possible, ça devient impossible à gérer. Non mais c'est quoi ce travail ? tu finis ton assiette avant d'aller jouer, non mais oh. La petite pleure, puis s'exécute avec l'amie qui fait passer la galette avec tout plein d'amour. De toutes manière, elle sait que grand-père ne menace pas gratuitement, les parents eux-même obéissent, pas besoin de répéter deux fois un conseil à appliquer à la lettre à l'enfant. Tout le monde rigole grassement, elle fait des caprices, c'est normal, il faut que ça passe, vu le poids de l'entourage j'espère que mes sourires complices et alcoolisés lui donneront la mesure d'une autre vie possible. Parent est une responsabilité, il faut être capable d'écraser les plus petits que soi, transcender la violence ordinaire pour produire la perfection en soumission. Et Sarkosy ? il ne dit pas que des conneries, grand-père sait tellement de vérités, silence respectueux.
L'amie, courtisane pour conserver sa place auprès de l'enfant félicite les grands parents, ils peuvent être fiers de leurs enfants, vraiment ils sont parfaits, c'est beau l'éducation, et le mieux qu'il peut arriver est de reproduire la même éducation sur leurs enfants. La petite fille servile porte une responsabilité énorme : prouver à la face du monde que c'est de la bombe cette éducation.
Grand-père a réussi sa vie lui, pas comme d'autres, il a gagné plein d'argent en faisant des choses très bien, allez pas d'histoires encore une bouchée. La petite est enfin autorisée à aller jouer avec l'amie, Lisa. Et surtout tu es sage hein ? je te surveille, je ne veux pas entendre de cris. Grand-père voit tout, entends tout, no escape. L'enfant partie, les parents se lâchent, non parce que l'éducation c'est important, sinon après les enfants sont incapables d'être heureux en couple. Si on leur passe tout, il leur pousse des ailes, très mauvais ça, les ailes, il faut tout couper. La mémé est bien d'accord avec sa deuxième beurre sucre, elle ne risque pas de décoller, même si elle avait des ailes. Au lit aussi il doit lui faire le coup de la petite bête qui monte, à ce zeppelin dégonflé bouffi d'orgueil, au terme d'une vie entière de sacrifice de soi et des autres.
La table voisine ne vaut pas mieux, un couple de vieux avec sa fille trentenaire habillée de blanc, une grand mère, et deux prétendants de l'âge de la fille. Au terme d'une rapide discussion, le père coincé façon manche à balais dans le cul avec le baise-en-ville au cuir bien ramolli à force de tripotage nerveux avait pris la place en face de sa fille, reléguant les prétendants à un rôle de couple gai à l'autre bout de la table. Je précise que la mère et la grand-mère on pris les deux places centrales de la table de 6, et qu'il ne restait donc qu'une place pour deux prétendants en face de la fille, ils ont également discuté entre eux, avec le père qui s'en mêlait, bref c'était un peu mort d'avance, mais la gestuelle du père était sans équivoque sur le fait qu'il veuille la place (la main sur la chaise tout en proposant la place unique aux deux jeunes). Le futur grand-père ne veut pas lâcher sa fille alors il invite à bouffer deux faisant-fonction pour qu'ils se bouffent le nez. Leur capacité à partager la place est la meilleure preuve qu'ils n'ont pas les couilles de mettre en péril la toute-puissance du père. J'ai pas tout lu Freud, ce connard, mais je calcule bien ses supporters.
Entre temps, l'amie de la petite est partie. Lisa ? elle est partie dans sa maison, tu vas pas pleurer pour ça encore , hein ? l'empathie inexistante de maman se joint au mutisme bien présent de papa. Le père n'a pas ouvert la bouche de tout le repas, sauf pour ingérer la nourriture payée par grand-père, et répéter avec un air grave et pénétré les conneries du même fournisseur. Père : un métier qui se perpétue de père en fils, un rôle à tenir.

Les filles dans la rue exhibent leur beauté indécente,
elles montrent tout sous prétexte de chaleur,
elles cherchent l'homme sans l'avoir jamais vu,
sauf papa ce héros, qui donna trop ou trop peu.
Diogène puant avait plus de chance de trouver que la belle qui se tait.
Je les regarde plein de questions inutiles,
je leur parle parfois rempli de feux espoirs,
ma queue reste molle dans mon slip en coton bio,
je reste planté là dans mon short d'explorateur immobile,
rien ne m'excite, tout me fatigue depuis le simple geste
jusqu'au dernier mot des ces femmes d'artifice
dont le feu du même nom qui est tellement beau
dure si peu à faire douter qu'il brûla.
Je suis à nouveau seul comme au premier jour,
je regarde par la fenêtre les femmes enfuies,
la lune est là qui est pleine ou presque,
comme moi, je me sens nourri, seul et plein,
peut-être trop plein, sans parler de la bière.
Elle est belle quand elle se cache,
comme une femme qui ne se force pas :
Le marchand de sable a garé son camion,
il me regarde d'un air concupiscent,
il m'aura bordé plus que ma mère,
il m'aura parlé plus que les femmes,
je ne l'aime pas rien que pour ça.

Le chômage a du bon car il permet de réaliser à quel point le travail est un esclavage. Je pensais en avoir déjà fait l'expérience, mais c'est à chaque fois un plaisir renouvelé. A chaque fois je suis enthousiaste comme visité par un dieu imaginaire et bienfaisant, émerveillé comme si c'était la première fois. La première fois où on le fait vraiment, car être au chômage ne garantit pas une expérience mystique, je me souviens être resté suspendu à la boite aux lettres, cramponné au téléphone comme à un radeau du Titanic, sans la moindre jouissance. J'étais alors encore sous l'emprise de la compulsion d'utilité injectée lors de mon éducation rigoureuse : pour mériter de vivre il me fallait être utile au monde. Je culpabilisais de n'être pas assez bon pour mériter l'amour de maman qui à presque trente ans m'a ouvert la porte au bout de la galère. Elle répétait comme au bon vieux temps : "cela ne m'étonne pas que tu n'y arrives pas". Si au moins j'avais trouvé une fille bien, j'aurais pu enfin avoir l'air d'un homme, un vrai, un dur, qui frappe ses enfants et maltraite sa femme, et bien habillé avec ça, au lieu de prendre des murges à refaire le monde avec des sous-hommes de la même race débile que moi - mes potes.
Bref, la semaine dernière fut stérile, je suis resté là à attendre je ne sais quoi, rêvant de salsa dans un pays sans rhum. N'écoutant que mon courage de lâche - beaucoup plus méritant que celui de l'inconscient immortel - j'ai acheté une bouteille de rhum, du sirop de batterie, et le camarade antillais m'a offert les citrons verts pour aller avec. J'ai mis le tout dans une valise, jeté par dessus quelques slips, quelques paires de chaussettes, mon short en lin taché et froissé depuis la soirée Salsa (je prends soin de ne pas le laver pour diffuser des phéromones irrésistibles) sans oublier bien emballées dans un sac mes sandales de Jésus.
Un coup de téléphone tardif m'a dérouté sur Angers alors que je m'étais déjà rabattu sur Tours où je suis connu comme le loup blanc et surtout le houx blond. Je termine la soirée dans un lit d'enfant, en compagnie de "Moi Tituba, la sorcière" livre génial. Le lendemain je participe à une expédition à Terra Botanica, jardin de politique française experte en récupération des tendances du moment pour divertir le peuple avec son propre argent : 60 millions d'euros pour un jardin public de première classe, avec à la clef la création de 40 emplois permanents. Aucune étiquette n'est visible sur les plantes incroyables émergeant du béton, probablement pour ne pas gâcher les petites sauteries privées qui profitent du cadre paradisiaque les jours de fermeture. L'argent public oblige hélas à soumettre le lieu au peuple, sale et opiniâtre au point de payer une seconde fois pour entrer dans ce qui lui appartient. Pourtant avec 20 millions d'euros de béton et de plantes, il reste un million d'euro par emploi créé : de quoi payer une vie de salaire de jardinier, non ? Je devrais me repentir de cracher dans la soupe du plein emploi, alors que 100 000 emplois disparaissent chaque mois sans aucun espoir de rebondir au fond du bourbier marécageux créé par l'incontinence médiatique de nos maîtres : les ratés d'un côté, les gagneurs de l'autre. L'épuration par le travail est à l'œuvre partout dans les entreprises, l'emploi est réservé aux gens "biens" maçons, scientologues, opus dei ou autre qui servirons leur cause avant de travailler. Partout le peu de travail qui nous reste en France est en péril, relayé au second plan de ces sociétés peuplées de parasites, et il écrase les survivants non affiliés qui tentent tant bien que mal de maintenir à flot le navire. Les valeureux que je connais craquent, et laissent ainsi la place à d'autres parasites. La gangrène progresse de plus en plus vite, comme une maladie en phase terminale.
J'ai ensuite rendu visite à un homme de l'âge de mon père à Haute-Goulaine. Nos rencontres sont rares, brèves, intenses. Il est élu, honnête, travailleur, au service de ceux qui lui ont fait confiance, un exemple à suivre pour tous ceux qui déshonorent le métier et un espoir pour les bonnes volontés qui voudraient s'engager malgré tout.
Je suis ensuite allé à Saucats du côté de Bordeaux voir un couple d'amis qui vient d'avoir son deuxième enfant, à la maison cette fois-ci. Une naissance à la maison est un miracle, une vie qui apparaît soudain, dans le silence, dans le respect, une expérience mystique pour ces amis qui sont pourtant croyants. Le petit a deux semaines, il respire le bonheur de vivre, se tortille de bien-être, tète et dort à volonté avec maman. Maman lui parle pendant la tétée, il la regarde avec ses yeux aveugles, voyant l'amour qu'il reconnaîtra plus tard sans se fourvoyer avec tout les ersatz vendus fort cher par les marchands du temple : les grosses voitures, les grandes maisons, les beaux habits, les grandes gueules, tout ce que l'homme agite vainement pour faire croire qu'il aime.
La visite à une satané copine pas de cheval à Quinsac m'a fait du bien malgré le couplet "ça sert à rien les mecs" qui m'a catapulté à Angoulème. J'ai dormi à l'Hôtel du Palais, mangé chez Mémé, et tout bu à l'Hacienda.

Il écrivait sur ce blog comme on jette une bouteille à la mer, des propos de Don Quichotte que personne ne lirait vraiment. "La souffrance rachète les péchés, réjouissons-nous dans la souffrance, et cumulons des points de bonheur. Le trafic d'indulgence hérité de notre clergé affairiste se répand dans les magasines de psychologie où l'on apprend qu'il faut souffrir pour être heureux comme pour être belle. Il est heureux et elle est belle. Pourtant il aimerait qu'on le trouve beau, et elle aimerait bien être heureuse aussi. On est venu sur terre pour souffrir. L'homme est un loup pour l'homme, mais pour les femmes et les enfants on ose pas dire ce qu'il est. Le bonheur et la beauté viennent de la nature, des trafiquants nous les ont volé pour nous les revendre, à la crèche puis à l'école, vacciné épilé lavé branlé rasé musclé gavé vidé le tout taxé. Beau résultat que cet enfant amputé de tout incapable de vivre seul, cher client aussi qui va racheter tout ce qu'on lui a volé, sa mère, sa femme, ses enfants, même son bonheur il va devoir le payer si cher que la retraite arrivera trop tôt si la maladie ne l'a pas délivré avant, le pauvre enfant. Pourquoi l'inconscient collectif, comme une nouvelle religion nous pousse à croire, à faire, toutes ces choses contre nature ? autrefois les prêtres et les gourous inventaient des histoires folles où on devait assassiner nos propres enfants. Aujourd'hui grâce au progrès technique la forme a changé, on pique puis on se pique, on se prostitue, on attrape de nouvelles maladies venues de ces dieux jamais rassasiés, de ces blouses blanches si affairées pour nous sauver. Tous habillent leur myopie de leur plus belle robe, de leur plus belle blouse, et s'affairent à réparer ce qu'ils ont détruit. Les dividendes ne sont pas si grossiers pour les actionnaires de la misère que nous sommes tous, même la maison Borniol y met des fleurs. Mais quel degré de conscience a le médecin vaccinaliste ? et le chimiste ? le psychiatre ? l'obstétricien qui découpe des sexes à longueur de journée sans aucune raison ? Leurs dieux sont contents, les payes tombent, mais comme Ubu Roi ne sont ils pas tous et nous avec assis sur une conscience enterrée ? En ce beau moi de Mai anniversaire d'un avorton consumériste, je vous souhaite une belle journée de glande."

Je profite de l'eau en regardant les filles, je nage dans le vide, et le hasard sincère met devant moi une nageuse. Le lièvre n'est pas trop rapide, et je nage dans son sillage imaginant l'eau plus chaude d'avoir coulé entre ses seins. J'eusse aimé nager nu, c'est tellement plus agréable, cette eau si tiède eût caressé son sexe avant d'envelopper le mien. A défaut de nature je fais le cacou, sortant de l'eau à la force des bras, et plongeant pour la dépasser au gré des aller-retours. C'est comme ça une petite bite qui cherche un petit trou, démonstratif. Bientôt je me lasse de ces plongeons succédanés de sa crucifixion qui seule pourrait achever mon calvaire. Car le plaisir du lièvre est plus long que celui du lapin, elle enchaîne les longueurs, et je dois me plier à son rythme. Je le fais sans me faire violence car elle m'attends voyant que j'ai gaspillé ma puissance dans cette danse nuptiale ridicule. Elle se retourne et nage sur le dos, la brasse bien sûr, lentement, en me regardant  périodiquement dans son sillage pour vérifier que tout va bien. C'est cette petite attention qui m'a fait craquer, je suis tombé amoureux tout de suite, j'ai trouvé ça vraiment très choux de prendre soin de mon état. On se croise aussi à chaque demi-tour, et on se lance nos yeux. Je nage à son rythme, pour me glisser dans ces lames d'eau animées de ses formes et de sa chaleur. Je pénètre avec volupté cette eau qui l'a léchée à l'endroit le plus chaud, et que gouterais bien, cette eau donc, qui peut-être a séjourné au creux de son intimité avant de m'être abandonnée d'un coup de rein, comme le poulpe pervertirait son encre pour attirer sa proie. N'est-ce pas la preuve scientifique que les phéromones résistent au chlore ? Après quelques aller-retours tranquilles la torpille enfin se rapproche d'entre les deux phares qui sortent de l'eau et pointent fièrement. Nous restons côte à côte, comme il arrive parfois, on respire pour récupérer, et aussi pour respirer, on se regarde, j'ai un oeil un peu noir au niveau de la tempe, de ce crochet mal esquivé lors du dernier entrainement de boxe française. Elle le regarde ostensiblement prête à me demander dans quelle situation héroïque cela s'est produit. Mon cœur commence à battre, je ne bande pas, tout le sang va au cerveau pour l'empêcher de parler. Cela me semble interminable, et délicieux en même temps de la laisser continuer, de la laisser faire, de me laisser faire, j'attends qu'elle parle, je l'encourage par un sourire contre lequel on échangerait bien son corps. Et là, paf le chien.

Je pourrais citer la Bible en guise d'introduction au récit de cette retraite propice à retrouver mon passé, ce serait déplacé, aussi hors contexte que cette citation fameuse "Il faut" (Ezekiel 18:4) "forniquer" (Corinthiens 6:9, 10) "avec des chiens" (Thessaloniciens 1:6-9) "morts" (Timothée 3:1-10). Nous avons parlé de chiens, de morts, de fornication.
Tout a commencé par la venue de F aux portes de ma seconde vie, c'était prévu depuis quelques jours. Nous n'avons pas pissé dans la Loire, sans aucune raison scientifique, marché à pied, mangé et bu, tout comme le Christ dont aucun écrit digne de foi ne parle des mictions. L'organisation s'était arrêtée à la décision de suivre la Loire jusqu'à Saint-Nazaire. La marche près de la guinguette sur le chemin de hallage dans le sens de l'eau fut un symbole rapidement avorté en osmose émouvante avec l'ouverture des Jeux Olympiques. Nous continuâmes le lendemain dans la berline climatisée avec le même mépris de l'éthique et de la planète. Les deux pèlerins se sont arrêtés à Nantes en maints endroits propice au recueillement, des mots ont été dits sur le bord de l'Erdre profitant de ces bouches ouvertes par la faim et la soif dans un lieu baptisé La Belle Equipe.
Dans un lieu maudit par Dieu, nous avons évoqué M qui vingt ans auparavant avait écrasé une fillette en fugue depuis deux jours. Le souvenir le hante encore, le bruit du choc, l'horreur, la culpabilité, le silence de la police qui par principe préserve les deux parties, la lecture d'un fait divers le lendemain racontant la mort d'une jeune fille enfuie de l'amour de ses parents depuis deux jours ... le seul détail que l'agent lui ait confié pour le rassurer.
La visitation d'autres lieux rendit le moral du binôme, évocation des fouilles du souterrain, expéditions nocturnes, garde à vue, baignades, beuveries, piaules, femmes des autres (les cœurs purs n'ont pas de relations sexuelles) et verdict dans un simulacre de justice suintant de circonstances atténuantes. Les accusés sont coupables d'être des victimes, et ils en rient encore.
Tempus fugit, nous repartons pour Saint-Nazaire et sur le pont les souvenirs rattrapent le présent, L nous attend, je n'ai eu aucun contact depuis vingt ans, il a fait des choix de vie très différents, habite au bord de la mer avec une femme enthousiaste, et deux enfants d'un autre homme. L'adresse n'est pas la bonne, nous remontons la rue à pied en zieutant derrière les portes comme des voleurs de temps, et soudain je vois une masse alerte dont les mouvements me rappellent cet ours d'une autre vie, je lève le bras comme on lancerait sa main, en même temps que lui, pas de doute.
Salut salut, pas de chichi, nous sortons la roteuse amenée par F qui habite en champagne, avec des gestes précis et coordonnés comme des bons ouvriers, des gestes techniques habillés de chorégraphie pour marquer le respect que l'on porte à l'objet. On visite un peu comme de grands enfants pour faire comme les papas, mais on est pas venu pour ça, vite on s'installe en terrasse et on donne des nouvelles de nos réseaux respectifs qui n'ont pas d'intersection. L'un est mort en 6 mois d'un cancer au cerveau, un autre a perdu un œil, un autre est parti en Colombie et porté disparu, les autres sont bien vivants. Monsieur J arrive dans une camionnette remplie de planches à voile et dotée d'un espace couchette. Lui aussi n'a pas changé, du moins la distance qui nous sépare est-elle restée constante. Peut-être sommes nous tous des fossiles dans la même coulée, peut-être que c'est de l'amour même si l'histoire ne se termine pas par une bite dans un trou. Il manque des invités à cette réunion impromptue du mois d'août, le festival inter celtique, les vacances et l'éloignement géographique ont laissé l'appel sans réponse. Je n'avais pas revu L et Monsieur J depuis vingt ans, F n'avait pas revu L depuis dix ans, et Monsieur Jean depuis vingt ans également. Nous n'avons pas cultivé ces relations, comme si nous étions si sûr que cela était inutile, tout le monde a entendu "tu n'as pas changé" après avoir eu l'impression de communiquer un avis tellement décalé et personnel, cela fait grand plaisir.
A la maison, en ville, sur la plage, avec des femmes, des chiens, des enfants et même un vieux comme on aimerait devenir, nous avons marché à pied, mangé et bu. Ce fut un grand plaisir. Le Dimanche soir, nous sommes repartis sur Nantes, nous avons trouvé un hôtel minimaliste près de la place du Bouffay, en face de la Bodega, cet endroit dont me parlait Sarah avec les yeux qui brillent. C'était fermé, les étages calcinés, réouverture le 20 Août. Nous avons quadrillé le centre à la recherche d'un endroit, tous les lieux connus étaient remplacés par des kebab, que sont devenus les bars sympas ? tout le monde mange-t-il du kebab ? ou est-ce juste la couverture du traffic de plus en plus visible au cœur de cette belle ville ? Nous avons revu la crêperie jaune, sans l'envie d'y manger, signe que nous ne sommes pas si fossiles que ça. Nous avons mangé au petit Bacchus qui existe encore, presque en face de La Bodega, et qui est toujours très bon, même si le Menetou-Salon n'est plus ce qu'il était, à moins que les fossiles ne deviennent plus délicats sur le pinard. Nous avons échoué dans un bar muy simpatico pas loin de la place du commerce, sur une place au mur aveugle peint avec art en trompe-l'œil.

Ce matin je suis arrivé tôt à Versailles pour immatriculer mon amour de bagnole, mon gros veau bleu flic à la tôle grêlée. Le château se gavait déjà de touristes, des gens bien qui viennent de loin admirer la grandeur de nos rois avant les inventions à la concomitance coquasse des droits de l'homme et de la guillotine. La préfecture en face dévorait elle aussi une file de gens venus de loin et désireux de faire connaissance avec lesdits droits de l'homme. Des femmes, des enfants, et des hommes fatigués d'avoir fait la queue depuis l'aube, certains sont même arrivés dans la nuit. A l'extérieur se trouvent 2 files d'attente, une file pour blancs marquée "carte grise, permis de conduire" où j'ai eu la chance de rentrer directement pour attendre à l'abri - même si le temps était clément - et une file pour noirs marquée "étrangers" où on mesure 50 mètres de queue jusqu'à' l'avenue du Roi - en plein vent mais avec vue sur la château - et encore au moins 50 mètres de queue sur l'avenue. On va encore me traiter de négationniste, à raconter que l'apartheid c'est pas en Afrique du Sud avant Mandela, du passé. Ben non, c'est en France, hic et nunc. Une femme a craqué au guichet, et refusé de partir sans papiers. La police est arrivée pour protéger les honnêtes gens, la pauvre femme criait "ne me touchez pas" et encore "qu'ai-je fait pour être traitée comme ça ?". Une femme policier qui avait dû faire le bon stage a parlé à la dame et ils l'ont embarqué on se sait pas où, un flic à chaque bras, des fois qu'elle morde ou qu'elle nous fasse péter une bouteille de gaz en plein Versailles, dans ce lieu de culte de la Répufric. Ils l'ont peut-être amenée à l'aéroport pour un retour digne au pays comme le vantait les affiches de l'OFII placardées partout dans ce lieu de communion sordide de nos belles valeurs de liberté-égalité-fraternité, des valeurs qui portent bien leur nom, des valeurs hors de prix dans notre état fasciste.

Pour atterrir, quelques paroles du philosophe JCVD :)

L'air : " Je suis fascine par l'air. Si on enlevait l'air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre..."
La drogue : "La drogue, c'est comme quand tu close your eyes et que tu traverses la rue..."
L'homosexualité : "On est tous homos ... j'aime mon corps ; est-ce que je suis un homo ?"

12 commentaires:

  1. arrête la cocaïne !!! ;p

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    1. Désolé, j'ai posé ça vite fait pour pallier les difficultés que j'ai de publier sur l'autre plateforme, et j'ai tout planté au moment d'aller chanter à la chorale, alors c'est resté en l'état. Mais la coke j'en prends pas, c'est trop cher, et trop coupé avec des saloperies. Chez Lidl y zon pas d'la 80. Je suppose que c'était un clin d'œil à mes références philosophiques ;-)

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  2. bien sûr que oui c'etait un clin d'oeil comment aurait il pu en être autrement !

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    1. Merci, j'ai eu peur, j'ai cru que j'avais écrit des bêtes grises ;-)

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  3. Oui bon, d'accord, ok, c'est pourri, on commence à le sa-voir. Bon, ok, d'accord, si après la cuillère d'huile de ricin pour qu'on chie sur tout ça, tu nous donnais une idée de ce que pourrait être la cuillère de miel?

    Entendu ce matin sur la 2: sondage à l'échelle européenne. Les Français ne sont pas les plus grands râleurs malgré ce qu'on dit: ce sont les rosbifs. Sauf qu'en plus d'être des râleurs les anglais montent aux créneaux pour réclamer ce qu'ils sont en droit d'attendre en raquant fort au bassinet. Pas nous. Il semblerait que le français soit à la limite de l'anesthésie: il ne réagit que très mollement. Il râle mais il ne pisse pas plus loin. Anesthésiés. Le mot m'a frappé.On serait donc globalement déjà vaincus?? On aime pas l'affrontement parait-il, on préfère baisser les bras, ou nos frocs, ça dépend. Et bien, si tel est le cas, on est mal barrés...

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    1. Les anglais en chient plus que nous ... alors qu'ils sont assis sur la City, la pompe à fric mondiale, ça énerve.

      Du miel ? t'es marante il faut des abeilles, et surtout des jolies fleurs, ce n'est pas la saison. Au printemps peut-être ;-)

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  4. Bonjour,
    Ça veut dire quoi un homme décroissant ?

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    1. Merci AnnaKhann, et bienvenue ici.

      Objecteur de croissance serait plus à la mode, mais la vision du film de science fiction "L'homme qui rétrécit" (1957) pourrait également avoir un sens ;-)

      Je ne veux plus consommer, jeter, gaspiller. Pas plus les êtres que les produits. J'aime fabriquer, réparer, produire, et je travaille moins pour m'y adonner. Ce n'est pas facile de travailler moins car le travail est une religion, il faut faire semblant de croire à des valeurs factices (je parle de l'industrie, pas des services). Je suis un looser pour ceux qui sont restés en selle en serrant les fesses de plus en plus, mais je revis.

      On peut tout acheter ... sauf l'amour et le temps, alors ça ne sert à rien. De plus la pauvreté est une garantie d'échapper au commerce ;-)

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  5. Comme un volcan à laves multiples. J'avoue cependant, j'ai pas tout lu. Il faudra que je fasse un copié-collé sur plus gros caractères... "Et là Paf le chien", hihi ça s'appelle une chute. J'ai aimé cette idée d'eau qui marrie les sexes en décalage.

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    1. Ben en fait c'est un peu comme l'histoire de paf le chien. A ce moment précis la mère des enfants est venue beugler que les enfants voulaient rentrer. Mon ex, c'est le genre qui ne mange pas de soupe mais qui crache dedans pour empêcher les autres de la manger.

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  6. C'est l'absolue jalousie du bonheur de l'autre...

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    1. C'est paradoxal de vouloir garder un jouet qui n'amuse pas, simplement pour empêcher les autres de jouer avec.

      Mais le même phénomène s'exprime aussi à l'envers. Ne pas vacciner mes enfants fait hurler ceux qui piquent les leurs. L'abstinence dérange ceux qui se font chier à baiser tous les jours, d'autant plus que la chair est triste. La flânerie déclenche la foudre et la moquerie de ceux qui sacrifient leur existence à un projet souvent factice : travail, famille, patrie, humanitaire, médical, toutes ces religions faites pour nous asservir et qui passim peuvent servir une success-story, rarement deux.

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